Réimaginer l'infrastructure de recherche: L'IA, la souveraineté des données et l'avenir des technologies de la santé
Dans le domaine en pleine évolution de l'informatique biomédicale, de la protéomique et de l'intelligence artificielle, le Dr Jim Green est à l'avant-garde. Ses travaux explorent certaines des frontières les plus prometteuses de la science, de la prédiction des interactions entre protéines à la conception de technologies d'assistance pour les populations vieillissantes. Nous nous sommes entretenus avec M. Green, professeur au département de génie des systèmes et de l'informatique de l'Université Carleton, pour comprendre comment le calcul à haute performance (CHP) influence ses recherches et ce que le Canada peut faire pour rester à l'avant-garde de la révolution biomédicale induite par l'IA.
Des exigences de performance élevées, des objectifs centrés sur l'homme
Le laboratoire du Dr Green s'appuie sur le HPC dans tous ses projets. Qu'il s'agisse de développer des modèles d'apprentissage profond pour l'analyse de vidéos en continu ou de prédire 250 millions d'interactions protéiques dans le protéome humain, l'échelle des données et la complexité des modèles sont stupéfiantes. "Nous nous battons en permanence pour que notre calcul soit à la pointe de la technologie", explique-t-il. Le principal goulot d'étranglement ? Les GPU, puissants et riches en mémoire, qui peuvent prendre en charge des architectures d'IA de pointe.
Le défi n'est pas seulement technique, il est aussi pédagogique. Les étudiants qui expérimentent de nouvelles idées sont souvent confrontés à de longues files d'attente sur les infrastructures partagées, ce qui perturbe leur flux de travail créatif et itératif. C'est pourquoi M. Green donne la priorité à l'attribution à chaque étudiant diplômé d'au moins un GPU dédié. "Chaque étudiant a besoin de milliers d'euros de matériel pour développer correctement ses recherches", explique-t-il.
Une recherche qui protège, apprend et s'adapte
Le laboratoire s'est récemment concentré sur les technologies d'assistance alimentées par l'IA pour favoriser un vieillissement en bonne santé. En collaboration avec le professeur Rafik Goubran, Jim développe des solutions préservant la vie privée, telles que des caméras thermiques et des tapis sensibles à la pression, qui peuvent surveiller la respiration et les mouvements de manière non invasive. "Les personnes âgées veulent vivre de manière indépendante. Si nous pouvons dire qu'un proche n'a pas quitté son lit de la journée, cela devrait déclencher un contrôle du bien-être", explique-t-il. Cette technologie allie l'humanité à l'apprentissage automatique, une approche qui illustre les valeurs de Computing for Humanity.
Contrairement aux dispositifs portés sur soi, qui nécessitent l'accord de l'utilisateur, ces capteurs environnementaux fonctionnent silencieusement et en continu, ce qui réduit les lacunes en matière de surveillance. "La conformité est un problème majeur. Si quelqu'un oublie de porter son appareil, nous perdons toutes les données", souligne le Dr Green.
La nécessité d'une infrastructure souveraine et spécialisée
Une partie du travail du Dr Green porte sur des données sensibles relatives aux soins de santé, telles que des vidéos provenant de chambres d'hôpital. Ce type de données ne peut pas quitter le campus, et encore moins être placé sur des ressources partagées ou en nuage. "Nous avons besoin d'une informatique et d'un stockage sur site", souligne le Dr Green, compte tenu notamment des préoccupations croissantes concernant la confidentialité des données et la souveraineté des données de la recherche canadienne. "Quel que soit l'endroit où est hébergé votre nuage, partage-t-il nos valeurs ? Risquez-vous d'être victime de dommages collatéraux en cas d'attaque ?
Il considère qu'une plateforme nationale d'IA construite au Canada est vitale, car elle offre la souveraineté, une infrastructure spécialisée et une formation localisée adaptée aux besoins des chercheurs canadiens.
Innovation et éducation durables
Bien que la durabilité environnementale n'ait pas été la priorité de l'équipe de M. Green, il reconnaît le rôle joué par les sources d'électricité. "L'hydroélectricité de l'Ontario se traduit par une empreinte carbone plus faible. Mais si votre nuage se trouve dans une juridiction qui fonctionne au charbon, le coût environnemental est plus élevé."
Lorsqu'il s'agit de préparer la prochaine génération de chercheurs, M. Green envisage deux voies parallèles : l'une pour les informaticiens qui font progresser l'IA et l'autre pour les experts en applications - biologistes, cliniciens et autres experts du domaine - qui bénéficient de l'utilisation des outils de l'IA. "Il est essentiel de former ces deux groupes. L'IA peut aider à résumer des milliers d'articles ou à réfléchir à de nouvelles orientations de recherche. C'est très puissant.
Construire des ponts : Chercheurs, infrastructures et associations caritatives
Pour le Dr Green, c'est dans la collaboration interdisciplinaire que la magie opère. "Cliniciens, chercheurs, experts en apprentissage automatique, nous devons tous travailler ensemble. Les fournisseurs de services informatiques devraient faire partie de ce dialogue. Et oui, les organisations caritatives aussi."
Il estime que des organisations telles que Computing for Humanity peuvent jouer le rôle de passerelles vitales, en mettant en relation des chercheurs dans le besoin et des donateurs enthousiastes à l'idée de soutenir l'innovation. "Beaucoup de gens aimeraient contribuer à la science mais ne savent pas comment. Les mettre en relation directe avec ceux qui font le travail est tout à fait logique".
Au-delà de la sophistication technique, ce qui motive la recherche de Jim Green, c'est un engagement profond en faveur du bien-être humain. Les travaux de son équipe sur les technologies d'assistance - comme les caméras thermiques pour la surveillance non invasive de la respiration ou les tapis sensibles à la pression pour assurer les contrôles de bien-être - témoignent d'une puissante intersection entre la compassion et l'innovation. Ces outils ne sont pas seulement une question de données, mais aussi de dignité, en particulier pour les personnes âgées qui souhaitent vivre de manière indépendante et en toute sécurité dans un environnement familier. En concevant des systèmes qui respectent la vie privée ( ) tout en fournissant des informations essentielles sur la santé, le laboratoire de M. Green illustre la manière dont l'IA peut être déployée de manière éthique pour améliorer la vie des gens.
Pour l'avenir, M. Green envisage un paysage de la recherche où l'accès aux technologies de pointe est démocratisé et où la formation à l'IA devient la norme dans toutes les disciplines. Il est passionné par l'idée de doter non seulement les informaticiens, mais aussi les cliniciens et les biologistes des outils et des connaissances nécessaires pour exploiter l'IA de manière responsable. Mais ce potentiel ne pourra être pleinement exploité que si le Canada investit non seulement dans l'infrastructure, mais aussi dans les personnes - étudiants, chercheurs et praticiens - qui peuvent mener la prochaine génération de découvertes.